
Mannequins lors d'un défilé de mode.
Le mannequinat est l'activité exercée par le mannequin, personne qui pose ou s'expose pour valoriser les produits de l'industrie de la mode. Les mannequins sont employés principalement pour la promotion de l'habillement, des accessoires de mode et des produits de beauté. Le métier, exclusivement féminin au départ, débute réellement au milieu du xixe siècle sur l'impulsion de Charles Frederick Worth. « Essayeuse » puis « sosie », le terme de « mannequin » ne commence à être utilisé qu'à partir du xxe siècle. La distinction est alors faite entre le « modèle » statique et le « mannequin » mobile, mais le domaine de la mode n'a retenu de nos jours que le terme « mannequin » de façon générique.
Histoire
Préambule
Le modèle artistique qui pose pour le dessinateur, le peintre, ou le sculpteur de façon anonyme est à l'origine du métier[1]. Les premiers modèles datent de la Grèce antique ; durant des siècles, ces modèles sont prisés pour certaines parties spécifiques de leur corps[2]. À l'aube du xxe siècle la photographie, plus précisément la photographie de mode, va bouleverser le statut de modèle et « aux yeux du public, il [est] remplacé par le mannequin »[3].
Origines indissociables de la haute couture
Jusqu'alors, personne n'avait besoin de mannequin vivant. La mode commerciale n'existe pas, elle est réservée à une aristocratie et des tailleurs ou couturières répondent à la demande de confection suivant les désirs du client[4]. Les « essayeuses » de Rose Bertin sont considérées comme les premiers mannequins vivants[5]. Au milieu du xixe siècle, Charles Frederick Worth invente la haute couture et le métier de grand couturier ; il doit alors présenter ses réalisations. Le premier mannequin, qui défile et présente des toilettes, est la vendeuse d'une boutique parisienne, Marie Vernet. Elle devint mannequin professionnel, pour aider Worth avec qui elle s'est mariée, passant ainsi de l’anonymat de l'essayage à la reconnaissance de sa fonction[5]. Afin d'établir la réputation du couturier, Marie Vernet-Worth porte en public ses créations, aux courses et autres événements mondains[6]. Dès lors que la commercialisation des créations devient nécessaire, le mannequin pour le défilé ou le modèle pour l'illustration est indispensable[4] pour toutes les maisons de confection. Rapidement, l'activité de Worth s'étend : sa femme forme les autres mannequins sélectionnés parmi les employées, vendeuses ou ouvrières[7], ses défilés se transforment en spectacles prisés du Tout-Paris[6]. L'histoire retiendra Worth comme l'inventeur du métier de mannequin.
Au départ, les mannequins sont appelés des « sosies car elles devaient ressembler aux clientes » précise Sylvie Lécallier[n 1],[8] : elles se doivent d'avoir la même corpulence que les clientes[5] pour simplement « présenter » les toilettes et réaliser les essayages[9]. Les critères physiques de beauté ou simplement de recrutement restent flous[10]. Ces mannequins sont soumis aux clientes « qui peuvent les diriger à leur gré[11] » comme au couturier pour lequel elles travaillent[12].
Ces « sosies » n'affichent pas leur métier, jugé déshonorant[8] ; le terme de « mannequin », jusqu'au début du xxe siècle, reste argotique[5],[n 2]. Marie Vernet avait été acceptée dans son temps car elle était l'épouse du couturier ; mais l'activité de mannequin, qui consiste à vivre de son corps contre un salaire[13], est réservée aux classes populaires, se voit comparée à la prostitution et ne suscite que mépris[6] jusqu'à la fin du xixe siècle. Pourtant, le mannequin reste pudique : fourreaux ou justaucorps, souvent en taffetas noir, cachent toute nudité et par là même épargnent les robes des salissures[12]. Finalement, l'avenir de ces mannequins est « sans grand espoir d'une gloire quelconque[9]. »
Du sosie au mannequin
Au début du xxe siècle, les fondements du mannequinat sont établis et son usage se répand plus largement[11] : le mannequin, svelte, se déplace calmement devant les clientes, sans jamais parler ni dévisager celles-ci[14]. Déjà l'activité alterne entre les défilés dans les salons des maisons de couture ou les hippodromes parfois, ainsi que la pose pour les illustrateurs[15],[n 3]. Des salons exigus, le mannequin passe dans des pièces plus grandes[17]. Le métier change, passant de simple « présentation » à une « représentation » où le mannequin doit faire vivre la création telle une actrice[18] : « le mannequin doit s'assimiler l'esprit de sa robe et jouer son personnage, revêtir son rôle »[19]. Les premiers programmes du défilés sont imprimés[17]. De sosies, les critères physiques évoluent et les mannequins deviennent un « idéal de beauté » : la ligne est verticale, une petite poitrine et la taille fine, corsetée[5].
Paul Poiret considère que le mannequin est « une femme qui doit être plus femme que les femmes »[20]. Gabrielle Chanel est la première à réellement s'intéresser à l'image de ses mannequins, les choisissant autant que possible à son image et n'hésitant pas à les former elle-même, mais les payant très mal[21]. Comme Chanel le fera quelque temps après[7], dans les années 1920, le couturier Jean Patou va jusqu'aux États-Unis chercher des filles « grandes, minces, chevilles fines et sans hanches »[8] : ses défilés deviennent courus autant pour ses créations que pour ses mannequins[22] ; la mixité de sa cabine augmente sa popularité et il impose de « nouveaux codes de beauté »[7], présentant le mannequin en place centrale de sa mode[22] : les principes du mannequinat contemporain sont définitivement établis[8] et les premiers mannequins célèbres apparaissent, à l'image de l'américaine Lilian Farley surnommée Dinarzade présente dans nombre de magazines[7]. Mais les mannequins s'affichant sur les pages des magazines de mode ne sont pas tous des professionnels : lors des événements importants et dans la presse, seules sont remarquées les chanteuses, actrices ou représentantes du Paris mondain[7] ; l'avènement de la photographie de mode voit des femmes de la haute société, femmes de millionnaires, les artistes surtout, habillées par les grands couturiers et publiées dans les pages de Vogue, de Harper's Bazaar ou de Vanity Fair[23]. Véritables publicités ambulantes, elles apparaissent également dans les lieux de villégiature incontournables tels que Paris, Deauville, ou Biarritz, et également à Londres ou New York ; la renommée Diana Vreeland précise dans son autobiographie : « je sortais tous les soirs — pour être vue, toujours vue — pour être mannequin du monde, la maison de couture me donnait […] une robe que je devais porter et garder »[24]. Cette photographie de mode, qui se multiplie dans les magazines au détriment de l'illustration, morcelle parfois le modèle, ne montrant que le vêtement ou certaines parties du corps, entrainant ainsi symboliquement un retour vers le mannequin de bois de l'atelier[11].
Après la Révolution de 1917, nombreux sont les Russes qui immigrent à Paris. Ceux-ci investissent tous les domaines de la mode dont le mannequinat. Au début des années 1930, un tiers des mannequins sont de cette origine à l'image de Natalia Pavlovna ou Ludmila Fedoseyeva découverte par Horst P. Horst[25]. Mais, à l'exception de Lisa Fonssagrives réussissant à se faire un nom et un salaire important, peu de mannequins obtiennent réellement une reconnaissance[26].
Modèle ou mannequin ?
Après la Seconde Guerre mondiale, le métier devient alors enviable et n'est plus « déshonorant »[27]. La comédie musicale La Reine de Broadway de 1944, titré Cover Girl en anglais, montre la réussite d'une danseuse après avoir gagné le concours d'un magazine. Cinq ans plus tard, Lisa Fonssagrives fait la couverture du Time[28]. Alors qu'à l'époque les mannequins gèrent leur carrière, Eileen Ford et son mari, fondateurs de l'agence Ford, révolutionnent le système[29] établi dès 1928 par Lucie Clayton (en)[30] en Angleterre. En France, l'École Ranville forme au métier soixante-dix jeunes filles par an. L'activité se professionnalise[31].
La différenciation est alors nette entre les modèles, souvent appelées « cover-girls », posant de façon statique, « spécialistes de la beauté immobile »[32], et les mannequins appartenant à la cabine d'un couturier, faisant essayages et présentations[33]. Ces derniers, qui n'ont pas toujours un physique parfait, sont recrutés pour leur gestuelle et leur aisance une fois vêtus[32]. Les modèles, à l'opposé, se doivent d'avoir uniquement une grande photogénie[32], ainsi que savoir se maquiller, se coiffer et s'habiller seuls[34]. La hiérarchisation naturelle donne primeur aux modèles par rapport à la cabine[31]. Il reste également une troisième catégorie, les mannequins « volants » qui ne sont en contrat avec aucune maison mais sont embauchés suivant les besoins[35]. Dès les années 1950, un mélange de genre se créé dans l'élite de la profession : les grands modèles de l'époque, tels Bettina, Capucine ou Ivy Nicholson, sont tout autant demandés par les couturiers que par les photographes ; de l'autre côté, des mannequins des maisons, comme Victoire, deviennent très sollicités par la presse une fois leur renommée faite dans les salons des maisons de couture[36],[35]. À cette époque, pour un mannequin ou un modèle, la photographie lorsqu'elle est réalisée pour les grands magazines ou les publicités de marques prestigieuses, est considéré comme un art majeur[36] et les noms ou surnoms sont parfois cités par la presse, forme de reconnaissance[18]. Cette médiatisation cassant les frontières entre le modèle et le mannequin entraine une revalorisation de la fonction[26] : métier mal rémunéré jusqu'alors, les salaires augmentent[37] ; les premiers mannequins-stars comme Dovima ou Suzy Parker font augmenter les tarifs qui vont atteindre parfois des sommes astronomiques. L'univers du mannequinat, composé d’environ un millier de mannequins en activité à Paris[35], est alors partagé entre les Françaises naturelles et élégantes, les sophistiquées Américaines, et une génération d'Anglaises comme Barbara Goalen, Anne Gunning ou Fiona Campbell-Walter, prélude à la dominance de ce pays en matière de mode lors de la décennie suivante[38]. Le Swinging London des années 1960 impose mondialement Jean Shrimpton, Twiggy ou Penelope Tree toutes à la silhouette plus androgyne et plus jeune : la révolution du prêt-à-porter est passée par là et la silhouette se doit d'être moins sophistiquée que pour l'âge d'or de la haute couture des années précédentes[38] : les corps des mannequins deviennent libérés des carcans des années précédentes, remplaçant la guêpière par le collant[39]. La minceur devient la règle[8]. Si le principe du corps élancé s'est imposé au début du siècle, il atteint alors son paroxysme en matière de maigreur[5].
Merci🥰
RépondreSupprimercést bien cela merci
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